En novembre 1696, le roi Louis XIV proclame un édit qui prescrit de dresser un Armorial, dont le juge d’armes sera Charles d’Hozier. L’Armorial est ouvert à tous, aux nobles et aux personnes du Tiers-état qui méritent d’avoir des armoiries.
Des émissaires partent dans tout le royaume et des bureaux sont mis en place où les possesseurs d’armoiries viendront faire leurs déclarations, et où ceux qui désirent en recevoir viendront présenter leurs demandes. Après examen, des brevets portant le dessin du blason leur seront remis (cf l’illustration jointe), et leurs armes seront décrites et dessinées dans le recueil conservé à Paris.
Ces ouvrages, qui font foi, tout du moins pour une grande partie aujourd’hui… quelle belle et grande idée se dit-on, aujourd’hui, d’avoir opéré à ce grand référencement ! Enfin un répertoire central, pour éviter les doublons, les usurpations, quelle merveille iconographique se plait-on à penser … pourtant, le fondement même, la motivation de la création de cet armorial est tout autre….. :
En réalité, et Louis XIV le dit explicitement quand il abroge cet édit en 1700 : le véritable motif de l’édit n’est pas de dresser un Armorial pour conserver la trace des armes des familles concernées, mais bien… financier ! Les caisses du Trésor royal étaient vides, le roi avait besoin d’argent pour continuer la guerre contre la Ligue d’Augsbourg. Cet édit fit partie d’une série de mesures destinées à renflouer les caisses… eh oui, un mythe s’écroule pour certains … non, posséder des armoiries n’est pas, et n’a jamais été un signe de noblesse… Comme toute taxe nouvelle, l’emballage est très important pour ne pas faire trop maronner le petit peuple, aussi si l’enveloppe est belle et éventuellement attirante, une taxe est et reste une taxe !
Revenons à d’Hozier : les particuliers devaient en effet payer 20 livres (plus les taxes de 2 sols par livre, plus 30 sols pour les frais de brevets, soit en tout 23 livres et dix sols), les provinces 300 livres, les villes avec évêchés ou cour supérieure 100 livres, les autres villes 50 livres, etc… Au total, on estime que l’opération devait rapporter au Trésor, pour toute la France, la somme de 5 833 000 livres. L’exécution de l’édit avait été attribuée à une société de financiers qui étaient autorisés à percevoir plus que la somme demandée pour le Trésor, pour couvrir leurs frais et augmenter leurs profits. Les commissaires chargés de son exécution ne se contentèrent donc pas des déclarations spontanées, et certains enregistrements étaient obtenus de force. C’est ainsi qu’un certain nombre de familles ayant déjà des armoiries rechignèrent à venir les présenter, pensant qu’ainsi, ils seraient oubliés … mais c’est ainsi qu’ils se virent imposer de nouvelles armoiries ! jamais utilisées évidement, mais il fallut payer ! De même, certains particuliers, jugés suffisamment riches pour payer la taxe se virent eux-aussi, sans autre forme de procès, imposer des armoiries …
A la vue de certaines pages de ces armoriaux, on voit que certains émissaires ont fait vite et…. ni joli, ni très original parfois. Nous voyons donc des pages complètes avec des écus a bande componées, où seules les émaux changent etc ….
Certaines familles ont même adopté ces nouvelles armoiries et ont « oublié » leurs armoiries initiales…
L’Armorial général de France a été dressé par Charles d’Hozier entre 1697 et 1709, à la suite de l’édit de 1696 destiné à fixer les armoiries des familles et des collectivités. Il comporte deux séries : la première concerne la description des blasons et la seconde les blasons coloriés. La série des Blasons coloriés, qui seule fera l’objet d’une numérisation, suit un classement par province ou généralité ; il comprend 35 volumes reliés et paginés et 2 volumes reliés de tables manuscrites, dressées au XIXème siècle. Cet Armorial fait partie du fonds du Cabinet des Titres conservé au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France, il reste la plus grande source pour l’étude des blasons de France.